Les dyskinésies motrices (mouvements volontaires anormaux ou déficients, dont font partie les troubles troubles musculo-squelettiques (repris sous l’abréviation TMS dans le reste du texte) par exemple) sont un problème de société, en Belgique et dans le monde. Selon l’étude européenne [1] les maux de dos, les douleurs de la nuque, et les chutes (engendrée par des dyskinésies motrices), sont trois pathologies figurant dans le top 10 des atteintes causant le plus d’années passées en incapacité. Un diagnostic précis et reproductible des nombreuses formes possibles de dyskinésies motrices est bien entendu crucial en vue d’établir une thérapeutique efficace, basée sur des exercices de rééducation. Le mouvement est en effet essentiel dans l’amélioration de la fonction perturbée. Un problème rencontré par de nombreux thérapeutes est la difficulté d’établir un tel diagnostic. Pourquoi ?
Actuellement, les tests cliniques utilisés dans l’évaluation des dyskinésies motrices reposent sur des mesures simples mais peu précises du mouvement – amplitude d’un mouvement par exemple. Or, si l’interprétation du mouvement problématique du patient n’est pas correcte, la rééducation qui en découle risquera d’être inadaptée. Le diagnostic doit donc être le plus précis possible : des mesures de positions, vitesses et accélérations de repères anatomiques judicieusement choisis devrait idéalement faire partie intégrante d’une évaluation moderne et pertinente [2]. Ce type d’information n’est accessible de nos jours que via des instruments de mesure très coûteux, plutôt réservés aux laboratoires de recherche. De plus, les tests actuels sont très dépendants de la situation (thérapeute, lieu, etc.) : une standardisation est nécessaire en vue d’assurer un suivi rigoureux.
Les technologies généralement utilisées dans l’étude de la cinématique 3D appliquée au corps humains sont : l’optique + infrarouge, les ultrasons, ou encore des dispositifs basés sur des accéléromètres. Parmi les technologies les plus accessibles financièrement, des caméras 3D (Kinect, XTion) couplent des mesures optiques et infrarouge, mais présentent des algorithmes ne permettant de reconnaître que certaines parties du corps, là où un outil thérapeutique idéal devrait être personnalisable.
En termes de rééducation, le thérapeute propose généralement des exercices aux patients, que ceux-ci peuvent réaliser de manière autonome. Le patient peut alors être un frein à sa propre rééducation, via des phénomènes tels que la kinésiophobie (peur du mouvement douloureux) par exemple. Des études récentes montrent que la réalisation d’exercices dans un environnement virtuel peut aider à contourner de tels effets [3]. C’est pourquoi le projet intègrera un casque de réalité virtuelle low-cost permettant d’élaborer des traitements adéquats, basés entre autres, sur un environnement immersif en réalité virtuelle.
Figure 1 : (1) Evolution de l’angle de la cheville dans le cas d’une marche normale (2) Evolution de l’angle de la cheville dans le cas d’une marche normale (trait plein), d’une radiculopathie légère (pointillés) et forte (tirets)
[1] Europe PMC Funders Group Author Manuscript Lancet. Global, regional, and national incidence, prevalence, and years lived with disability for 301 acute and chronic diseases and injuries in 188 countries, 1990–2013: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2013. Lancet. 2015 August 22; 386(9995): 743–800.
[2] Sternad D. From theoretical analysis to clinical assessment and intervention : Three interactive motor skills in a virtual environment. IEEE Virtual Rehabilitation Proceedings (ICVR) 2015 ; 265-272.
[3] Garrett B et al. A Rapid Evidence Assessment of Immersive Virtual Reality as an Adjunct Therapy in Pain Management. 2014. Clinical Journal of Pain 30 (2).
[4] Hayashi H et al. Gait Analysis Using a Support Vector Machine for Lumbar Spinal Stenosis. 2015 Orthopedics 38(11) : e959-64.
Le projet DYSKIMOT vise à mettre au point et à valider un environnement de mesures immersif low-cost permettant l’enregistrement de données cinématiques tridimensionnelles, par des capteurs positionnables de manière personnalisée sur un patient, des mouvements effectués par ce dernier. L’environnement virtuel immersif proposera des épreuves d’évaluation standardisée et de revalidation dans un graphisme simple.
Le système développé devra affiner et rendre plus sûre l’interprétation de données recueillies dans l’exécution de mouvements réalisés soit lors des tests cliniques soit lors des mouvements fonctionnels, ceci afin de placer le partenaire industriel comme leader de ce type d’analyses. Le caractère innovant du projet est triple pour le praticien :
Dans ce but, il est nécessaire de disposer de capteurs :
Le choix technologique du projet est d’utiliser des capteurs inertiels placés sur le corps du patient. Les données des capteurs seront traitées, filtrées, stockées et affichées afin d’offrir la possibilité d’un feedback au patient par le thérapeute. Une attention particulière sera apportée à l’adaptabilité du dispositif à un PC de puissance de calcul de taille classique.
Les capteurs inertiels fournissent en particulier une accélération mesurée dans un référentiel « attaché » à l’objet en mouvement. Il sera nécessaire de traduire ces données dans un référentiel fixe afin de permettre leur interprétation. Cela demandera l’intégration d’algorithmes performants. L’utilisation d’un algorithme combinant quaternions et filtre de Kalman est en particulier envisagée, dans le but de réduire les erreurs engendrées par la double intégration des accélérations.
Par ajout d’un casque de réalité virtuelle, le système devra permettre la réalisation d’épreuves standardisées dans un environnement simple. Cela permettra notamment de garantir la standardisation de la passation des tests, ce qui n’est pas le cas avec un test manuel classique. La standardisation au niveau des tests se traduira également au niveau des renseignements disponibles dans le dossier d’un patient, ce qui facilitera les échanges entre praticiens et le suivi des patients.
Figure 2 : Représentation schématique du projet DYSKIMOT mettant en évidence trois composantes distinctes : les capteurs inertiels positionnables par le thérapeute (A), la transmission sans fil des données vers un PC et le calcul de la cinématique (B), et l’environnement en réalité virtuelle (C).
Afin de garantir une validation des mesures effectuées (reproductiblité, calibration, etc.) et un respect des contraintes du milieu médical, le CeREF TECHNIQUE (CERISIC) collaborera avec l’Unité de Recherche « Forme & Fonctionnement Humain (FFH) » (CeREF SANTE) de la HELHa. Lors de l’étape de validation du nouvel outil de mesure, FFH sera amenée à réaliser une étude clinique nécessitant des mesures sur des patients. La gestion minutieuse des informations communiquées au patient, son consentement éclairé à participer à l’étude, le secret professionnel lié aux données collectées, ainsi que le respect de sa vie privée seront assurées par FFH. De plus, un comité de suivi du projet, composé de chercheurs et kinésithérapeutes « de terrain » sera également mis en place.